CONCLUSION : QUI ÉTAIT JFK ?

  Il y avait deux John Fitzgerald Kennedy. Il y avait l'homme libre, à l'état d'esprit et à la manière de s'exprimer complètement révolutionnaires par rapport aux vieux politiciens. Et puis il y avait l'homme conditionné depuis sa plus tendre enfance par son père à atteindre l'excellence, et plus encore.

  Il y avait l'homme gravement malade, qui dut se battre toute sa vie durant contre la douleur, et qui reçut plusieurs fois les derniers sacrements. Et puis il y avait l'homme plein de dynamisme et de jeunesse, qui, en apportant l'espoir et le renouveau, changerait non seulement le monde de manière radicale, mais aussi l'esprit d'un pays tout entier.

  Il y avait l'homme qui était le premier à militer pour la cause des droits civils. Et puis il y avait l'homme incapable de ressentir des émotions profondes.

  Il y avait l'homme qui incarnait le père de famille par excellence, toujours proche de ses enfants (ce qui était vrai), qui plus est marié à une ravissante jeune femme, elle aussi pleine de vie ; il y avait l'aspect "famille modèle" à entretenir, en particulier par les médias, ce qui représentait une véritable cassure par rapport aux couples présidentiels précédents. Et puis il y avait l'homme aux nombreux adultères.

  John Kennedy est très certainement l'un des hommes les plus difficiles à comprendre. Je ne pense pas qu'une seule personne, hormis sa famille proche bien entendu, puisse connaître l'homme à 100 %. En effet, combien d'enfants naissent dans une famille qui leur inculque depuis toujours le goût de la présidence ?

  Mais, en réalité, JFK n'était en aucun cas une personnalité à part. Il faisait simplement partie des Kennedy, et était comme eux. Ayant comme père un homme complètement instable, à la fois rigoureux et sévère comme aucun autre, et infidèle là encore comme aucun autre, il n'est pas étonnant que lui et ses autres frères n'aient repris le flambeau.

  John Kennedy n'était donc pas un homme attachant (devenir son ami à part entière relevait de l'exploit, encore fallait-il ensuite être accepté par la famille), auquel il était très dangereux de faire confiance, car prêt à tout pour atteindre ses objectifs, quelles qu'en soient les conséquences pour les autres.

  JFK était un formidable acteur, qui arrivait à faire croire qu'il était enthousiasmé par des choses qui, en réalité, l'horripilaient ou l'ennuyaient profondément (comme par exemple serrer les mains de ses électeurs). Il était en publique la personne qu'il n'avait jamais été en privé.

 

  La question que l'on peut dès lors légitimement se poser est la suivante : si John Fitzgerald Kennedy était un homme aussi particulier (dans le mauvais sens du terme), comment se fait-il qu'il demeure encore aujourd'hui, soit près de cinquante ans après sa mort, le plus célèbre des présidents des États-Unis ? Différents éléments peuvent apporter une réponse.

  Premièrement parce qu'il s'efforça toute sa vie de cacher aux yeux du monde ses aspects ô combien négatifs, grâce, notamment, à la fortune de sa famille, ses relations, ou encore la censure de la presse. On arrive donc à un résultat remarquable. Prenez sa description : "homme révolutionnaire, militant pour l'égalité des droits, incarnant le renouveau et le début d'une nouvelle ère ; homme trompant régulièrement sa femme avec des prostituées et ayant grapiller les échelons de manière plus ou moins catholique" (sans mauvais jeu de mots, Kennedy ayant été le premier président américain catholique). Retirez-en à présent la deuxième partie. Vous n'avez dès lors plus qu'une envie : voter pour lui. Et, surtout, vous retenez qu'il est le premier, que c'est lui qui a donné l'ordre au monde d'évoluer.

  De plus, la famille Kennedy, ce clan de pouvoir, de victoire, n'a jamais cessé de fasciner. Chaque année, des dizaines de livres sont publiés.

  On peut aussi supposer que son assassinat ait fortement accru sa popularité. Tous les 22 novembre, des milliers de personnes se rassemblent sur Dealey Plaza pour lui rendre hommage. Une croix a été dessinée à l'endroit même où il reçut la balle mortelle. Des centaines d'ouvrages consacrés exclusivement à son assassinat continuent d'être imprimés. Et puis, surtout, cette fameuse question ne quittera jamais nos cerveaux tant que la vérité ne nous sera pas révélée : qui a tué Kennedy ? Il est vrai que la popularité d'un président augmentera fortement dans le cas où il est abattu (ce fut le cas d'Abraham Lincoln). S'il ne lui arrive rien de particulier, son nom ne marquera pas l'histoire (Gerald Ford, par exemple) Le monde entier est choqué et perpétue sa mémoire pendant des décennies. Kennedy donna son nom au douzième aéroport mondial (JFK, à New York) ; à un porte-avions de l'US Navy (l'USS John F. Kennedy) aujourd'hui retiré du service actif, dont la construction fut entamée onze mois jour pour jour après son assassinat ; au Kennedy Space Center (au Cap Canaveral, qui prit le nom de Cap Kennedy entre 1964 et 1973), un complexe de lancement spatial américain créé en 1959 relevant de la NASA ; mais également à des centaines de rues, avenues et places dans de nombreux pays du globe. Tous ces lieux auraient-ils porté son nom s'il n'avait pas été lâchement abattu en public ? Rien n'est moins sûr.